L’emploi à vie: requiem pour un acquis

Il est des emplois difficiles, ingrats, aux horaires décalés qui justifient des contreparties de niveau élevé, que ce soit en termes de temps de repos, de rémunération ou de congés. Certains cependant sont assortis d’un avantage qui va bien au-delà. L’expression  «emploi à vie » est sans doute excessive, voire provocatrice ; mais dans tous les cas, ceux qui en sont dotés jouissent d’une sécurité d’emploi bien supérieure à celle dont ils bénéficieraient sous le classique contrat à durée indéterminée de droit commun (CDI).
Il n’est pas interdit de se frotter à ce sujet de chaude actualité et de s’interroger : pourquoi donc l’Etat et de nombreux établissements publics proposent-ils des emplois « à vie », alors même que les conditions de travail de leur personnel ne sont ni fondamentalement différentes, ni plus rigoureuses ou pénibles que celles qu’offre le secteur marchand? Autrement dit, pourquoi les travailleurs du secteur privé n’auraient-ils pas droit à cet avantage, alors même qu’ils peuvent exercer des métiers aussi exigeants, voire davantage que ceux que recouvre par exemple le statut de cheminot?

5 millions de personnes en France

Nul n’ignore les circonstances historiques et le contexte politique de l’après-guerre qui ont conduit à la sécurité quasi absolue d’emploi dont bénéficient 5 millions de personnes en France. Dans ce cadre, s’inscrit l’idée que cet avantage est un acquis, une conquête sociale des travailleurs. Sous un angle subjectif, on peut encore entendre que le bénéficiaire a sciemment intégré la sécurité dans la construction de son parcours professionnel et n’a pas ménagé ses efforts en vue de réussir un concours difficile et sélectif… Pendant que certains soutiennent que, sécurisés dans leur emploi, les agents sauront toujours faire montre d’une disponibilité et d’une qualité de service sans faille… Une autre considération consisterait à observer que c’est la pérennité de l’entreprise elle-même– l’Etat, des collectivités publiques et des organismes assimilés–qui constitue le socle naturel de la garantie d’emploi. Un argument audible dans la mesure où il fait référence au principe de continuité de la mission de service public ; encore faut-il rappeler que les attentes et besoins du public sont susceptibles d’évoluer, de se développer…mais aussi s’éteindre avec le temps.

Une sécurité d’emploi acceptable 

Mais pourrait-t-on s’en tenir à ces considérations? Non, car il restera toujours la délicate question de l’équité: comment accepter sans sourciller que l’emploi à vie ne soit pas reconnu à tous ceux qui, par leur conditions de travail (ou simplement l’idée qu’ils s’en font) le mériteraient ? Allons plus loin : pourquoi l’emploi à vie pour ceux qui travaillent dur –qualification subjective s’il en est– et l’emploi précaire pour les autres ? Il ne s’agit pas de cautionner un quelconque moins-disant social, mais simplement de suggérer qu’il vaut peut-être mieux s’attacher à promouvoir  le contrat à durée indéterminée, porteur d’une sécurité d’emploi acceptable et dont les clauses protectrices peuvent toujours être renforcées par la loi ou par la négociation collective ou individuelle. Il y aura toujours fracture entre ceux qui ont réussi à décrocher un emploi pour la vie et les autres… Du moins tant que se dérobera le modèle idéal qui permettra à tous d’y accéder.

Repères :

La population active se définit comme l’ensemble des personnes en âge de travailler qui sont disponibles sur le marché du travail, qu’elles aient un emploi (on parle de « population active occupée ») ou qu’elles soient au chômage, à la différence de celles ne cherchant pas d’emploi, comme les personnes au foyer, étudiants, etc. En 2012, selon l’Enquête emploi de l’INSEE, la population active était estimée à 28,6 millions de personnes de 15 ans ou plus en France métropolitaine. Elle regroupait 25,8 millions d’actifs ayant un emploi (population active occupée) et 2,8 millions de personnes au chômage.

Parmi les 25,8 millions d’actifs ayant un emploi, on compte :

  • 3 millions d’indépendants
  • 22, 8 millions de personnes, soit salariés de droit privé, soit agents sous statut de droit public.

Parmi les 22,8 millions d’actifs sous statut privé ou public, on compte :

  • 13, 5 millions sous contrat sous CDI de droit privé ;
  • 5 millions de personnes titulaires d’un emploi assorti d’une garantie d’« emploi à vie » (fonctionnaires et salariés/agents bénéficiaires d’un statut spécifique, déduction étant faite des contractuels ;
  • 3, 4 millions de personnes sous statut précaire (CDD et intérimaires principalement); il faudrait y ajouter les travailleurs indépendants précaires mais l’information n’est pas disponible.

Sources :

 


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